J’alterne, dans le chaos, ces trois états : cauchemars vivaces, éveils hypnotiques, hyper-activité cérébrale.
Rêves récurrents, précis, profonds de morts, d’exécutions publiques, d’insurrections sinistres, de dictatures que l’on instaure et dont bien peu s’alarment. Tout passe au laminoir, aux lames noires. Je verse des larmes sèches, je pousse des cris aphones. Malgré que j’en aie, j’assiste impuissant au désastre. J’en suis le proche témoin (d’un mot qui, en grec, se dit martyr). Si proche qu’il advient que des bourreaux sans visage m’ouvrent en deux pour mon crime. Au retour, je mets longtemps à m’assurer que le sommeil m’a quitté, l’autre réalité me poissant l’esprit durablement. Je comprends mieux Philip K. Dick à présent.
Ô corps rendu indocile à mon vouloir, vieux corps déjà, très abîmé, et cependant étonnamment loyal, dénombre les fils de la pharmacopée qui te tirent vers les marches de la fatigue et des incertitudes. Les mots me manquent parfois, trop souvent, tandis que les pensées se bousculent. Dérèglement de la mécanique biologique et chimique. La léthargie résultant des poisons combinés, les meurtrissures invisibles mais délétères camisolent les forces profondes et paralysent l’action immédiate – cependant que les visions, les murmures et les connections opèrent un redoutable travail souterrain.
© Armes & bagages (à paraître)
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