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Archive for the ‘Notules’ Category

Deux livres sont là, à me faire signe, sans cesse, sur la table de lecture, agitant mes jours et mes nuits. Le dernier paru est le versant sombre de l’autre, lequel prolonge l’ekphrasis infinie entamée par l’écrivain depuis La Ruine de Kasch. En 2016, paraissait Il Cacciatore Celeste ; aujourd’hui sort L’Innomabile Attuale. Penseur parmi les plus décisifs de notre temps, Roberto Calasso définit les lignes de partage, désigne du doigt ce que nous ne voyons pas, et, condamnant notre religion de l’horizontalité, ouvre à la plus salubre verticalité.

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Les révolutions ne durent qu’un temps : celui de l’espoir. Après quelques semaines, quelques mois, quelques années, la tabula rasa qu’elles opèrent a creusé un vide tel que le vertige nous saisit. Il ne nous reste alors qu’une alternative :

  1. Se tourner avec une reconnaissance bientôt dévote vers l’homme providentiel susceptible d’apaiser tous les troubles ;
  2. Assigner à une divinité nouvelle – nommons-la Société – toutes les fonctions régulatrices et ordonnatrices qui donnent au plus grand nombre l’assurance d’une égalité bien entendue.

Ce second choix suppose une part maudite. La préservation toute relative de l’égalité est absolument incompatible avec le respect, même limité, de ce que nous nommons liberté. Bientôt l’esprit d’égalité se fait dogme, et, durcissant, engendre l’égalitarisme, qui n’est rien de moins qu’un despotisme soft. Il ne faut plus qu’une tête dépasse. Cela doit penser de façon synchrone et reconnaissante, puisque tout a été pensé pour notre bien. Bientôt, oui, la démocratie, fraternelle, que l’on imaginait avoir édifiée se mue en la plus impitoyable des hydres. (suite…)

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Borges, de loin – de Christian Garcin[1]

  

Il y a, à Adrogué, « une vaste demeure à l’odeur de chèvrefeuille, entourée d’un long mur rose », comme il y a une bibliothèque, celle du père – bibliothèque dont on ne sort sans doute jamais. Il y a Jorge Luis Borges, et il y a l’autre, sur qui l’on écrivit et ne cesse d’écrire, que l’on reçut, honora et continue d’honorer comme l’auteur d’une des œuvres majeures du siècle dernier. Celui qui est devenu à son tour personnage de fictions[2] et prétexte à légendes. Il y aussi un tigre qui traverse toute une vie, quelques regrets discrets, pudiques, et d’infinis jeux d’échos, de miroirs, de correspondances, le tout composant un vaste dédale ironique et érudit.

Afin de ne pas répéter, afin de ne pas s’empêtrer dans des commentaires, stériles ou décevants, Christian Garcin a choisi plutôt de s’établir dans la distance propre à l’admiration, c’est-à-dire dans le jeu. Plutôt que de parler de Borges, ou sur l’œuvre de Borges, fasciné par le mur rose auquel toute sa vie l’Argentin resta attaché, il préfère rôder autour et alentour. Appuyer ou souligner les mystères, les flous, les légendes. Mais aussi, principe de la collection oblige, rappeler les raisons personnelles de son goût pour l’auteur des Fictions. Cela aurait pu être Kafka, sûrement ; cela aurait pu mieux encore être Faulkner (traité par ailleurs merveilleusement par Pierre Bergounioux dans la même collection) ; mais c’est la figure de Borges qui a surgi, finalement, comme une évidence, pour désigner l’autre nom peut-être de la littérature au XXème siècle. (suite…)

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À la faveur des premiers beaux jours de deux mille douze, est paru à Montréal, à l’enseigne de L’Oie de Cravan (Les Oies de Cravan naissent des mâts pourris des navires perdus au golfe du Mexique, écrivait Scutenaire), un singulier spicilège. D’une modestie et d’une subtilité inverse à leur modèle homonymique, ces Choses vues, épinglées par Thierry Horguelin, appellent l’attention. Relevant à la fois de ce que les Britanniques nomment humor et d’un goût encyclopédique pour le minuscule, l’étrange, la folie ou le cocasse, voici une anthologie de faits d’autant plus improbables que parfaitement avérés. Les amateurs de prose brève, à la Félix Fénéon, seront aux anges – surtout s’ils se trouvent par ailleurs lecteurs de Pérec et de ses listes. (suite…)

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L’écriture de Philippe Jaccottet (1925) est une leçon de profondeur et d’humilité. Elle enseigne à regarder et à écouter, elle apprend à être. Observant le monde avec justesse, elle y puise sa force tremblée. Par la grâce de ses rythmes légers, musicaux, elle perce d’un coup nos vanités et nos leurres. La rencontre avec un cerisier, une méditation sur un verger de cognassiers lui sont autant d’occasions de désigner l’essentiel – qui nourrit – et le chemin qu’il faut parcourir pour mériter de l’être. Ses promenades, ses souvenirs de lectures ou de découvertes  sont pure lumière dans des textes où prose poétique et poème en vers libres alternent leurs vertus. Qu’il évoque des peintres ou tente d’approcher la vérité charnelle de pivoines, le ton de Jaccottet est toujours celui de la simplicité, de l’aveu le moins orné, ou de la réflexion qui va, avouant ses faiblesses. C’est un ami qui parle ici, et nous n’en avons pas tant que ça.

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