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Posts Tagged ‘Roger Caillois’

« Nous étions les derniers êtres conscients dans ce monde qui les avait trop choyés et nous devinions qu’il allait disparaître, sans pressentir que nous n’étions pas nés pour lui survivre, mais plutôt destinés, ses ruines une fois relevées, à la misère, à la dérision et à l’oubli. »

 
Roger Caillois

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Les Notes de chevet, de Sei Shônagon

Choix de textes & lectures d’Émilie Pothion,

précédé par une présentation de l’auteur

par Christophe Van Rossom,

À la Librairie Quartiers Latins,

le samedi 26 mars 2016, à midi.

 

Sei Shonagon (encre) 

Sei Shônagon (encre)

 

 

Sans doute la liste est-elle la forme la plus archaïque de la littérature. Si on la considère pour ce qu’elle fut, originellement et durablement, depuis qu’elle est née quelque part entre le Tigre et l’Euphrate, l’écriture inventorie, classe, trie, biffe et ajoute, ordonne et formule. Avant même de nommer et de hiérarchiser les dieux, elle dénombre les bœufs, les ânes, les moutons et les esclaves.

En 2009, Umberto Eco a préfacé et commenté un beau volume anthologique, remarquablement illustré, intitulé Vertige de la liste. Il y démontre la permanence du genre dans toutes les cultures. Il en distingue les carrefours et les évolutions, parfois surprenantes.

Les Stoïciens, comme les Épicuriens, la pratiquaient comme un art de voir clair en eux. Ritualisant chaque acte de notre existence, les Brahmanas sont de fastidieuses, interminables et cependant indispensables listes. Dans la Chine ancienne, avant l’abbé Kenko, au Japon, Li Yi-chan nous propose la plus incongrue collection de notes qui soit. Dans son Gargantua, Rabelais, grand amateur du procédé, énumère, comme on sait, une trentaine de manières de se torcher le cul, avant de dresser l’inventaire le plus complet que je sache des couillons dans le Tiers Livre. Plus proches de nous, dans Le Chiffre, Borges rappelle subtilement à quel point Les Notes de chevet comptent pour lui. Caillois écrit pour donner à l’univers entier son Tableau de Mendeleïev. Aujourd’hui, dans ses Petits Traités comme dans Dernier royaume, aussi bien que dans ses romans mêmes, Pascal Quignard confesse sa dette envers la Japonaise et cite fréquemment son œuvre et son nom. (suite…)

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Les droites européennes, de plus en plus illettrées, s’embrouillent dans leur abécédaire. Dans quelle cave des Bourses mondiales a-t-on enfermé et bâillonné l’esprit de liberté, explorateur, inventif et audacieux? La flexibilité élevée au rang de credo, l’agenouillement devant les lois du marché et la prosternation devant des courbes statistiques sont des acrobaties ignobles.

Les pères fondateurs de la gauche émancipatrice se retournent tous dans la fosse où leurs amnésiques descendants ne cessent de les reléguer. La mauvaise conscience n’est leur fort que lorsqu’elle rapporte électoralement. S’il leur était donné de se lever, d’un mot ces libertaires désireux d’un élitisme pour tous foudroieraient la lâche médiocrité de leurs indignes héritiers, leur haine envers l’intelligence et leur indifférence à l’égard ce qui élève l’humain! Où drogue-t-on, avec leur pragmatique complicité, depuis plus de deux siècles, la recherche du bonheur?

La religion n’est pas la bienvenue. Jamais elle ne doit l’être, ne serait-ce que d’un pouce, là où l’homme propose à l’homme des lois. Les auto-proclamés Humanistes sont incapables d’épeler la première lettre de ce mot.

La bien-pensance autoritaire et assurée d’elle-même des instituteurs verts est d’une puérilité inouïe et souvent irrationnelle. Mais il n’est pas étonnant qu’elle fasse recette dans les bacs à sable où l’on nous cantonne. In tempore non suspecto, Roger Caillois nous enjoignait à nous défier de la chlorophylle. Avec cet art du contrepied merveilleux qui le caractérise, il précisait qu’il n’était rien de plus assassin que cette pourvoyeuse abondante en bactéries et en miasmes.

L’instruction et la culture, le discernement, la place centrale que les hautes époques ont consacré à la beauté, sont des nostalgies.

Qui se rend à Venise pour admirer sa mairie? Qui séjourne dans la ville dont l’autre nom est Amour pour visiter le siège central de la Banco di Roma?

Tous les réfractaires ne se valent pas. Gémir est lâcheté. Vociférer est dangereux. Administrer des leçons à distance relève d’une facilité coupable. (suite…)

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« Je souscris à l’ambition de fixer des vertiges. Je me garde seulement d’oublier combien il est plus facile d’éprouver un vertige que de le fixer, qui est privilège de l’art, en l’occurrence d’une alchimie du verbe. »

Roger Caillois
Discours de réception à l’Académie française
(1972)

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« Dans la cité, il est peu de choses auxquelles il faille tenir autant qu’à la liberté. Mais dans les Lettres, où tout est libre dès l’abord, je veux dire où la cité n’intervient pas, où nulle contrainte n’est obligatoire, faire ce qui plaît est seulement paresse, manque d’audace et d’ambition. C’est s’en tenir à la nature. L’art exige davantage. »

Roger Caillois

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Des parcs d’attractions

Les villes ne sont plus des villes. De plus en plus, elles se donnent pour de vastes parcs d’attractions, multipliant les animations, licites ou non, faisant foisonner les espaces de convivialité contrainte et les jours et les heures festifs.

Les badauds, las de résister, se prêtent assez vite à ces fééries pauvres. Tout est prévu pour distraire et attirer. Les vestiaires à discernement abondent. Accueillir le néant de façon décontractée relève de cette nov-éthique de l’échangisme citoyen.

Roger Caillois a décrit dans une prose merveilleuse les subterfuges dont use la nature pour parvenir à ses fins prédatrices. La forme adéquate, la couleur requise, l’odeur correcte, l’illusion pure, et nous voilà piégés, dévorés, déjà digérés. Des bouses en puissance, en somme.

(suite…)

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Fractales

Tout est comme un papyrus déchiré, un fragment : l’espace vide troisième dimension – et ce qui reste d’une éloquence, une force, à faire trembler.

 

Cristina Campo[1]

 

Criez court et vous serez peut-être secourus…

          Georges Henein[2]

I

Mais seulement les atomes, et le vide entre les atomes, affirmait Démocrite.

Ce que nous imaginons constituer une surface plane ou une sphère sans aspérités ni béances, à la lumière physique relève d’une galaxie composée de milliers d’astres et de planètes, séparés par des milliers, des millions, des milliards de kilomètres. Fragments de matière et peut-être de vie, sans lien entre eux sinon le vide cosmique qui les sépare.

Nulle étoile ne scintille sans la nuit.

Le blanc joue avec les phrases qui composent le fragment.

Les phrases sauvent. Les phrases rendent à la vie. (suite…)

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« La mission du professeur, vocation qui dégénère en métier, est si difficile à maintenir en dignité que la plupart abandonnent. Soit au-dedans, par lassitude et toute affection épuisée. Soit au-dehors, par la tentation ou la contrainte des circonstances. Parler à des hommes est beaucoup moins difficile que d’être écouté par des adolescents. Ils ont moins besoin d’affection (…). »

Georges Bidault,
Lettre à Roger Caillois, datée du 12 avril 1971
(in Odette Felgine, Roger Caillois, Stock, 1994)

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1941. De l’Université de Chicago, où il enseigne alors, Étiemble est un des contacts les plus précieux de Roger Caillois en terre américaine. On sait que le jeune et remuant grammairien, installé à Buenos Aires, cherche à susciter le plus grand nombre d’abonnés pour Les Lettres françaises, le supplément qu’il a imaginé, avec tout le soutien de Victoria Ocampo, accoler à Sur, la prestigieuse revue qu’elle dirige. Il entend du reste que la voix de cet organe spontané de la France Libre touche notamment les États-Unis. Voici la piste que lui suggère Étiemble : ne pas compter sur les émigrés gaullistes ni sur les francophiles américains. Les bulletins de souscription ne seraient complétés que par quelques égarés. En revanche, proposer un gros cachet au boxeur noir américain Joe Louis en échange de ce service dérisoire : « Si nous pouvions payer Joe Louis assez cher, il dirait que sa lecture favorite, après la victoire, c’est L. F., et cent mille abonnés répondraient, ignorant tous le français. Il faut prendre les U.S.A. comme ils sont. »

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« Il manque quelque chose à l’homme qui ne s’est jamais senti éperdu. »

Roger Caillois,

Le Fleuve Alphée (1978)

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