Les villes ne sont plus des villes. De plus en plus, elles se donnent pour de vastes parcs d’attractions, multipliant les animations, licites ou non, faisant foisonner les espaces de convivialité contrainte et les jours et les heures festifs.
Les badauds, las de résister, se prêtent assez vite à ces fééries pauvres. Tout est prévu pour distraire et attirer. Les vestiaires à discernement abondent. Accueillir le néant de façon décontractée relève de cette nov-éthique de l’échangisme citoyen.
Roger Caillois a décrit dans une prose merveilleuse les subterfuges dont use la nature pour parvenir à ses fins prédatrices. La forme adéquate, la couleur requise, l’odeur correcte, l’illusion pure, et nous voilà piégés, dévorés, déjà digérés. Des bouses en puissance, en somme.
Qui ne prise pas les parcs d’attractions est un mauvais coucheur, un individu sinistre, un rabat-joie. Qui se défie de l’attraction, de ses lumières vives et de ses bruits, pour lui préférer le retrait, le silence et la méditation rêveuse est un subversif sinon un véritable danger public. Son élitisme est répugnant.
Tout petit déjà, je redoutais les parcs d’attractions. Il m’arrivait, rarement, d’y être mené. Contre mon gré et le mécontentement visible. On ne comprenait pas : parents, cousins, camarades volontiers se moquaient de moi. Ils évoquaient une certaine frousse.
En latin vulgaire, parricus désigne un enclos de grande taille qui marquait l’appartenance des bêtes ou des esclaves.
Il faut croire aux prémonitions étymologiques. Très bientôt, nous aurons perdu ce sixième sens.
© Christophe Van Rossom, Armes et bagages
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