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Posts Tagged ‘Bergounioux’

Fractales

Tout est comme un papyrus déchiré, un fragment : l’espace vide troisième dimension – et ce qui reste d’une éloquence, une force, à faire trembler.

 

Cristina Campo[1]

 

Criez court et vous serez peut-être secourus…

          Georges Henein[2]

I

Mais seulement les atomes, et le vide entre les atomes, affirmait Démocrite.

Ce que nous imaginons constituer une surface plane ou une sphère sans aspérités ni béances, à la lumière physique relève d’une galaxie composée de milliers d’astres et de planètes, séparés par des milliers, des millions, des milliards de kilomètres. Fragments de matière et peut-être de vie, sans lien entre eux sinon le vide cosmique qui les sépare.

Nulle étoile ne scintille sans la nuit.

Le blanc joue avec les phrases qui composent le fragment.

Les phrases sauvent. Les phrases rendent à la vie. (suite…)

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« Le désenchantement du monde, qui est l’envers de la rationalisation poussée jusqu’à ses ultimes conséquences par la civilisation européenne, est en voie d’achèvement. Les idéaux du XIXème siècle n’ont pas survécu au XXème. L’histoire hésite. Après des siècles de lenteur, d’autarcie matérielle et intellectuelle, les groupes, les individus se trouvent pris dans des rapports planétaires. Des façons d’être et de penser, de parler, qui s’étaient insensiblement formées dans des aires exiguës, fermées, ont été balayées en quelques décennies. D’autres, apparues sous la domination du capital financier, des rapports marchands, des médias, sont en passe de gagner l’ensemble de la terre.

 

Urbanisée, scolarisée, cosmopolite, connectée sur Internet, hédoniste et calculatrice, dans un contexte d’insécurité économique et d’inégalité accrue, telle s’annonce la première génération du IIIème millénaire, dans les pays développés. Les vieux maux lui seront épargnés, la famine et la peste, l’ignorance, les persécutions, la guerre, le despotisme. D’autres, plus insidieux, se devinent, primat de l’intérêt économique pur et des critères financiers, standardisation des objets, des goûts, des usages, abaissement de la fonction politique, stéréotypes ternes, sinistres ou tapageurs des dirigeants des grandes firmes et des vedettes médiatiques. Il se peut qu’ils l’emportent. Déchue de sa puissance réfléchissante, inventive, contestataire, la littérature deviendra lettre morte aux mains des archivistes et des historiens. Mais il n’est pas entièrement exclu que les valeurs universelles d’examen et de critique, d’explicitation et de libération, de raison dont elle fut le vecteur principal, depuis la Renaissance, résistent à la grande désillusion d’aujourd’hui. Si tel est le cas, les textes du passé où nous reconnaissons notre profondeur présente ont un bel avenir. »

 

 

Pierre Bergounioux,

Bréviaire de littérature à l’usage des vivants (2004).

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