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Posts Tagged ‘Faulkner’

« Les grandes oeuvres valent par leur effet en retour. Nous n’habitons plus le même univers après qu’un artiste nous a montré ce qui crevait si bien les yeux qu’on ne le voyait pas et qu’on se demande, après, comment ça a bien pu nous échapper. »

Pierre Bergounioux

(Jusqu’à Faulkner, 2002)

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Christophe Van Rossom s’entretiendra avec Pierre Bergounioux, à la faveur de la parution de la troisième livraison de son Carnet de notes, portant sur la décennie 2001-2010.

 Pierre Bergounioux

Il y a, dans le projet existentiel et littéraire de Pierre Bergounioux, comme l’empreinte d’un Montaigne qui aurait lu Kant et Marx, Flaubert et Faulkner. Ce professeur de lettres tire en effet son exigence (digne de la juste rigueur des instituteurs  qui ont façonné la IIIème République) du souci encyclopédique de tout saisir et de tout expliquer. D’élucider et de comprendre. Afin de mieux dévoiler le réel. Afin que la langue soit au rendez-vous du savoir et de la saveur. Si les livres de Bergounioux, qui sont également la manifestation d’un grain de voix immédiatement identifiable, peuvent quelquefois témoigner d’une forme de désenchantement à l’égard de ce que le monde devient, leur auteur se signale non moins par sa ténacité. Ne jamais abandonner, voilà le visage qu’il convient d’opposer à l’adversité protéiforme. Comme Michon ou Millet, issu d’un terroir corrézien hors temps, hors espace, originel, il a l’humilité et la soif d’apprendre de l’escholier lymosin évoqué par Rabelais. Passionné par la terre et les insectes, les livres et le Temps, les êtres et les champs de la connaissance, Bergounioux, sculpteur à ses heures,  est davantage qu’un grand écrivain de notre temps. Dans une société prosternée devant la laideur et la stupidité, il compte au nombre des plus minutieux, des plus scrupuleux orfèvres de la prose française que je sache.

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Sur la poésie, aujourd’hui

Trialogue

 

Dans une lettre adressée à sa femme en 1779, Sade écrit : « Que veux-tu que l’on fasse sans livres ? Il faut être entouré de livres pour travailler, sinon on ne peut faire que des contes de fées, et je n’ai pas cet esprit-là. » Le poète non plus sans doute n’a guère cet esprit-là, pas davantage qu’il n’écrit la tête errant entre les nuages. Pas un poète, digne de ce nom, qui ne soit un remarquable lecteur. Quel rôle joue la Bibliothèque dans votre travail quotidien, dans l’élaboration de vos poèmes ?

 

Jean-Paul Michel – Rien comme un livre n’appelle un livre en réponse. La Bibliothèque, c’est « le corps certain », la jauge. Elle atteste la sédimentation, irrécusable, de tant d’« impossible », pourtant là, précisément actualisé. La Bibliothèque fait obligation à l’auteur de tenir devant l’éclat des Phares. Elle est l’incitamentum d’un grand nombre de mouvements d’écriture, appelés avec nécessité comme autant de « réponses » qu’il nous est expressément enjoint d’apporter à notre tour, notre moment, sur la longueur d’onde unique de retentissement de l’expérience qui peut vibrer dans une voix. N’était la Bibliothèque, la « niaiserie affairée », qui est, dit Kant, « le caractère de notre espèce », l’emporterait sans rencontrer bien grande résistance. (suite…)

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Borges, de loin – de Christian Garcin[1]

  

Il y a, à Adrogué, « une vaste demeure à l’odeur de chèvrefeuille, entourée d’un long mur rose », comme il y a une bibliothèque, celle du père – bibliothèque dont on ne sort sans doute jamais. Il y a Jorge Luis Borges, et il y a l’autre, sur qui l’on écrivit et ne cesse d’écrire, que l’on reçut, honora et continue d’honorer comme l’auteur d’une des œuvres majeures du siècle dernier. Celui qui est devenu à son tour personnage de fictions[2] et prétexte à légendes. Il y aussi un tigre qui traverse toute une vie, quelques regrets discrets, pudiques, et d’infinis jeux d’échos, de miroirs, de correspondances, le tout composant un vaste dédale ironique et érudit.

Afin de ne pas répéter, afin de ne pas s’empêtrer dans des commentaires, stériles ou décevants, Christian Garcin a choisi plutôt de s’établir dans la distance propre à l’admiration, c’est-à-dire dans le jeu. Plutôt que de parler de Borges, ou sur l’œuvre de Borges, fasciné par le mur rose auquel toute sa vie l’Argentin resta attaché, il préfère rôder autour et alentour. Appuyer ou souligner les mystères, les flous, les légendes. Mais aussi, principe de la collection oblige, rappeler les raisons personnelles de son goût pour l’auteur des Fictions. Cela aurait pu être Kafka, sûrement ; cela aurait pu mieux encore être Faulkner (traité par ailleurs merveilleusement par Pierre Bergounioux dans la même collection) ; mais c’est la figure de Borges qui a surgi, finalement, comme une évidence, pour désigner l’autre nom peut-être de la littérature au XXème siècle. (suite…)

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Abbés, de Pierre Michon, Verdier, Lagrasse, 2002.

Corps du roi, de Pierre Michon, Verdier, Lagrasse, 2002.


Avec ce mélange paradoxal d’humilité et d’orgueil qui caractérise les écrivains de sang, Pierre Michon n’écrit pas de livres. Il nous communique quelques traces fiévreuses de son désir d’en écrire. Il nous montre les plaies du combat qu’il livre contre lui-même, contre la langue, contre le monde pour y parvenir. A l’ombre de ses maîtres, à l’ombre de ses pères, il mesure ce qui les sépare de la foudre de leur style autant qu’il voit les travers par lesquels il s’approche de leur trop humaine humanité. (suite…)

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