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Posts Tagged ‘Stéphane Mallarmé’

« Je crois que la Littérature, reprise à sa source, qui est l’Art et la Science, nous fournira un Théâtre, dont les représentations seront le vrai culte moderne ; un Livre, explication de l’homme, suffisante à nos plus beaux rêves. »

Stéphane Mallarmé

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Allocution prononcée au Centre culturel Bruegel, le lundi 30 septembre 2013,

à l’invitation du collectif Thalie envolée

Pour Jacques Crickillon

Antoine G., Antoine M., Julie, Laurie, Laura, Maxime & Tania

 

 

I

Et toi mon cœur pourquoi bats-tu 

Comme un guetteur mélancolique

                                                                                                  J’observe la nuit et la mort

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Chers amis,

Évoquant l’histoire de la poésie, c’est-à-dire celle de l’essentiel, il y a quelques dates à côté desquelles on ne peut passer :

1. 1855, après une nuit « noire et blanche », on retrouve, pendu aux barreaux d’une grille d’accès aux égouts, le corps d’un homme hirsute, revêtu de haillons, le visage à moitié masqué par la neige de janvier. C’est Celui de Gérard de Nerval, le poète des Chimères, le prosateur des Filles du Feu et d’Aurélia. Le traducteur du Faust de Goethe et de Heine. Dans un bref texte critique, Apollinaire rappellera à son sujet cette anecdote : « Un jour, dans le jardin du Palais-Royal, on vit Gérard traînant un homard vivant au bout d’un ruban bleu. L’histoire circula dans Paris et comme ses amis s’étonnaient, il répondit :En quoi un homard est-il plus ridicule qu’un chien, qu’un chat, qu’une gazelle, qu’un lion ou toute autre bête dont on se fait suivre ? J’ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas… »

2. 1857, Les Fleurs du Mal paraissent. Très vite, leur père est condamné par la justice du Second Empire qui mutile le livre et la dignité de son auteur. Dix ans plus tard, le corps de Baudelaire n’est plus qu’une épave hémiplégique et aphasique. Les seules syllabes qui jaillissent encore de sa bouche sont : « Cré Nom! » Elles jugent l’époque.

3. 1870, à l’âge de 24 ans, Isidore Ducasse meurt, brûlant de fièvre, de faim et de froid, dans Paris assiégée par l’armée prussienne. Sous le nom du Comte de Lautréamont, un an auparavant, il publiait un livre sans précédent, magnifique de sauvagerie, de liberté et d’ironie : Les Chants de Maldoror. Précisons, si nécessaire, qu’aucun de ses contemporains n’en eut la moindre idée. La beauté y est définie pour la première fois de cette façon : « Il est beau […] comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ! » (Chant VI)

4. Novembre 1891, Arthur Rimbaud, amputé de la jambe gauche, décède à l’Hôpital public de Marseille. Cela fait plus de quinze ans qu’il a quitté la France et l’écriture poétique, faute d’avoir rencontré le moindre interlocuteur véritable à sa parole et à sa pensée. Une Saison en Enfer avait paru à compte d’auteur à Bruxelles en 1873. Quant aux Illuminations, commencées en 1872, mais rédigées pour l’essentiel durant les deux années suivantes, nous n’en devons la lecture qu’à quelques amis, dont Verlaine et Germain Nouveau, et nous savons que Rimbaud lui-même les griffonna sans ordre précis et sans consignes ni désir d’une éventuelle publication.

5. En 1897, sous le regard médusé du jeune Valéry, éperdu d’admiration, se déploie une œuvre poétique sans précédent dans son étalement graphique – elle simule ni plus ni moins qu’une vaste une constellation céleste – aussi bien que par la singularité de sa langue. Il s’agit du Coup de dés, de Stéphane Mallarmé. Moins d’un an plus tard, le plus révolutionnaire des écrivains décède d’un double spasme de la glotte. Il demande à sa femme et à sa fille que tous ses « papiers » soient brûlés. On estime que, de son vivant, moins d’une trentaine d’hommes et de femmes le lisaient. Quelque illustre éclairé avait du reste affirmé que sa parole et sa poésie constituaient des insultes à la langue française. (suite…)

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 Michel Lambiotte,

 

–       L’autre côté du hasard, Le Cormier, Bruxelles, 2010.

–       Vacance et lumière, Le Taillis Pré, Châtelineau, 2011.

–       90 Poèmes (Choix et présentation d’Yves Namur), Le Taillis Pré, Châtelineau, 2011.

 

 

La physique contemporaine paraît unanime désormais sur un point : la lumière la plus éclatante est aussi la plus obscure. Insoutenable, par conséquent, ou, plus exactement, imperceptible par nos sens débiles et impatients. Yves Bonnefoy écrit qu’il est un sixième et plus haut sens. Il le nomme poésie – seule activité humaine qui soit susceptible en effet de se faire tendre langue approchant le front de l’énigme et assurance d’un monde ouvert à la mémoire du temps.

 

Je ne sache pas aujourd’hui, en Belgique, de poète plus attentif, plus scrupuleux à sonder l’instance de l’invisible que Michel Lambiotte. C’est que, très largement, les mots du poète se font regard pur, c’est-à-dire accueil muet, plutôt que parole ou main prédatrice. Yves Namur a ainsi raison de souligner qu’établie dans le voisinage de celles d’un du Bouchet ou d’un Verhesen, l’œuvre de Lambiotte emboîte bien souvent le pas à la démarche du peintre. Or ce dernier ne vise pas, à en croire Picasso, à répéter le visible, mais plutôt à témoigner de ce que l’on voit, et, le plus volontiers, au-delà des apparences. (suite…)

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« Si les dieux ne font rien d’inconvenant, c’est alors qu’ils ne sont plus dieux du tout. »

Stéphane Mallarmé

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Abbés, de Pierre Michon, Verdier, Lagrasse, 2002.

Corps du roi, de Pierre Michon, Verdier, Lagrasse, 2002.


Avec ce mélange paradoxal d’humilité et d’orgueil qui caractérise les écrivains de sang, Pierre Michon n’écrit pas de livres. Il nous communique quelques traces fiévreuses de son désir d’en écrire. Il nous montre les plaies du combat qu’il livre contre lui-même, contre la langue, contre le monde pour y parvenir. A l’ombre de ses maîtres, à l’ombre de ses pères, il mesure ce qui les sépare de la foudre de leur style autant qu’il voit les travers par lesquels il s’approche de leur trop humaine humanité. (suite…)

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