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Posts Tagged ‘Venise’

« Au milieu de ton sommeil, Amour tu formes
Les plaisirs de tes rêves
Avec l’idée de mon plaisir.
Que le ruisseau coule plus lentement
Et que le léger Zéphir suspende aux miens
Ses mouvements. »

Métastase 

(L’Olimpiade, Acte I, opéra d’Antonio Vivaldi, 1734)

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Ayant tenu à l’écart toutes les leçons de la Sérénissime, Othello, aux marges de l’empire, se fait dévorer tout entier par Iago. Chypre n’est pas une fractale. Déraison même, ce crime terrible signe son exil de Venise – au mieux. Shakespeare nous révèle-t-il le fin mot de sa fable noire? Que nous enseigne la vérité de Desdémone?

La fuite en avant du Maure mesure la portée de son acte. La définit. Comme notre ombre portée, lorsque nous sommes saisis par la moire de nos macérations les plus délirantes.

Pour autant, Venise ne disparaît pas. Pour autant, la présence de Desdémone demeure entière. La beauté est ce qui ne pâlit jamais.

Venise est un des lieux que je sache dont le nom est Résistance. Desdémone en est la figure sacrificielle suprême. Le diabolique Iago – You, go! – n’aura rien prouvé.

Toute grande fiction résiste à la folie destructrice.

Nous avons grand besoin de semblables exemples.

© Armes & bagages, à paraître, 2021.

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Aux tirs continus des mortiers du néant, la poésie doit s’efforcer de répondre par de vénitiennes salves de feux d’artifice, adresse aux cieux sombres des seules beautés susceptibles de les faire rayonner.

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« Il y a vraiment des soirs où l’on est au bout de sa vie et où l’on pense à ces étranges « calli » de Venise, qui ont l’air d’être des impasses et qui se continuent par quelque stratagème d’architecture ou de voirie. »

Henri de Régnier

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Je nomme politique la déchéance de la morale individuelle. Au mieux, la politique ne propose  qu’un pis-aller asservi à l’oligarchie ploutocratique. La démocratie est devenue son prête-nom. Dans l’abondance des images fallacieuses, une vérité invisible se distingue nettement.

 

Auréolé de la transparence lumineuse d’une pyramide de verre, un jeune pharaon est aujourd’hui sacré. Sous des caméras serviles, sous des hourras dûment échantillonnés. Toute symbolique véritable foulée au pied, un spectacle américanisé épouse les espérances grimées le temps d’une fête vaine. Suivent des nominations de pacotille.  Les bourses mondiales sont rassurées. Ça va, l’Appelé veille. Dans la Bible, Emmanuel désigne le Messie. Nous pouvons nous rendormir. La France est sauve ; la machine Europe va redémarrer.

 

Il n’y a plus d’élection ; il n’est pas d’Élu. Cessons de croire ; abandonnons cela aux barbares qui rêvent de planter leur drapeau sur le dôme de Saint-Pierre. Les massacres sont là, ils viennent. La démographie parle à voix criante. L’abâtardissement de l’éducation en Occident connaît son point de non-retour.

 

La géopolitique se reconfigurant à vitesse folle, l’Europe méritait mieux qu’un emplâtre sur une jambe de bois. L’Arabie saoudite veille sur les droits de la femme. Poutine esquisse la lame d’un sourire. Il règne sur le monde. Erdogan et lui sont convenus du sort de l’Ukraine. Avec l’Iran, ils règnent sur la Syrie désormais. La Chine sereine arbitre de toute éternité. L’Union européenne agonise, cependant que l’OTAN implose. À nouveau, les pays baltes ont peur. La Grèce pleure. Les Britanniques se souviennent qu’ils sont une île. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis ont sorti, canard obscène, leur ultime Atout, sachant pertinemment qu’ils n’ont plus aucun jeu en mains – tandis que, dans un clip aseptisé, le Président sorti, cheveux grisonnants, est apparu en Roi Mage pour prononcer en français le slogan salvateur.

(suite…)

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« Qui verrait les Vénitiens, une poignée de gens vivant si librement que le plus méchant d’entre eux ne voudrait pas être roi de tous, ainsi nés et nourris qu’ils ne reconnaissent point d’autre ambition sinon à qui mieux avisera et plus soigneusement prendra garde à entretenir la liberté, ainsi appris et faits dès le berceau qu’ils ne prendraient point tout le reste des félicités de la terre pour perdre le moindre de leur franchise ; qui aura vu, dis-je, ces personnages-là, et au partir de là s’en ira aux terres de celui que nous appelons Grand Seigneur, voyant là des gens qui ne veulent être nés que pour le servir et qui pour maintenir sa puissance abandonnent leur vie, penserait-il que ceux-là et les autres eussent un même naturel, ou plutôt s’il n’estimerait pas que, sortant d’une cité d’hommes, il est entré dans un parc de bêtes ? »

Étienne de la Boétie

Discours de la Servitude volontaire (1548)

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Offrande

Aux mânes de Corax.

À Xénophane, seigneur des solutions improbables. Nous cuirons les anguilles dans l’eau froide, oui, mon maître.

Au rire de Démocrite devant la crasse, les crânes et les carcasses, les robes, les bijoux et les parfums. À sa barbe hirsute aux marges des remparts d’Abdère. Au vide, qu’il voit. Aux atomes, qui l’enchantent.

À la violence aristocratique du verbe d’Eschyle ; à ses arrêts ; à la sainte terreur qui préside. Je rends grâce à la parole imprécatoire. Peut-être les éphémères ne méritaient-ils pas le feu, en effet. Mais méritaient-ils la sanction de l’espoir ? (suite…)

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Sur la poésie, aujourd’hui

Trialogue

 

Dans une lettre adressée à sa femme en 1779, Sade écrit : « Que veux-tu que l’on fasse sans livres ? Il faut être entouré de livres pour travailler, sinon on ne peut faire que des contes de fées, et je n’ai pas cet esprit-là. » Le poète non plus sans doute n’a guère cet esprit-là, pas davantage qu’il n’écrit la tête errant entre les nuages. Pas un poète, digne de ce nom, qui ne soit un remarquable lecteur. Quel rôle joue la Bibliothèque dans votre travail quotidien, dans l’élaboration de vos poèmes ?

 

Jean-Paul Michel – Rien comme un livre n’appelle un livre en réponse. La Bibliothèque, c’est « le corps certain », la jauge. Elle atteste la sédimentation, irrécusable, de tant d’« impossible », pourtant là, précisément actualisé. La Bibliothèque fait obligation à l’auteur de tenir devant l’éclat des Phares. Elle est l’incitamentum d’un grand nombre de mouvements d’écriture, appelés avec nécessité comme autant de « réponses » qu’il nous est expressément enjoint d’apporter à notre tour, notre moment, sur la longueur d’onde unique de retentissement de l’expérience qui peut vibrer dans une voix. N’était la Bibliothèque, la « niaiserie affairée », qui est, dit Kant, « le caractère de notre espèce », l’emporterait sans rencontrer bien grande résistance. (suite…)

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