Christophe Van Rossom prononcera une conférence intitulée :
W. G. Sebald
Portrait du promeneur mélancolique
Printemps 1944. L’Allemagne nazie connaît ses dernières heures et se trouve sur le point de subir les vagues répétées de bombardements sans précédent. C’est dans ce contexte d’apocalypse que naît Winfried Georg Maximilian Sebald. Toute sa vie, il abominera son premier prénom, au point de le réduire à une énigmatique initiale, préférant de loin se faire appeler Max par ses proches et par ses amis.
Il est vrai que Sebald ne tardera pas à quitter un pays dont il estime qu’il n’a pas osé poser le regard qui s’imposait sur l’abjecte dictature dont il sort et sur la façon dont elle a affectée l’ensemble de la société allemande. Il y a en effet à ses yeux comme une conspiration du silence, une amnésie sélective qui paraît frapper la majorité de ses contemporains à l’égard des années noires de leur histoire récente. Sebald choisit donc l’exil intellectuel et s’installe bientôt à Norwich, en Angleterre, où il enseignera d’ailleurs tout le reste de sa vie – Kafka, Walser, Bernhard, par exemple.
Ce n’est que tardivement qu’il quitte les travaux universitaires pour entrer en littérature et y établir son aire, singulière, érudite et sensible, autant qu’immédiatement identifiable à l’œil nu. C’est en effet que les livres de Sebald sont abondamment ponctués de photographies, de dessins, de plans, de reproductions… L’image et le texte, l’archive et la narration y dialoguent donc sans fin.
Attentive à la fuite du temps, aux incohérences et aux errements de la mémoire individuelle et collective, à la ruine du sens comme au déni de la beauté, son œuvre se donne par conséquent comme la tentative de déjouer le malaise par des proses narratives qui s’efforcent de conjurer la malédiction en donnant voix aux errants, aux émigrés, aux déracinés. Vertigineuse, son écriture digressive se montre avant tout soucieuse de formuler l’infime comme ce qui échappe, le transitoire aussi bien que le fantomatique. Placés sous le signe de Saturne, les livres de Sebald au fond ne sont rien d’autre qu’une bouleversante méditation, continuée, sur la place de l’homme dans un monde qui n’a de cesse, et toujours plus vite, de condamner l’essentiel à l’oubli et la mémoire réelle à ce qui procède de dérisoires commémorations.
Bibliographie sélective
Ouvrages de W. G. Sebald
– D’après nature, Poème élémentaire (1988), Actes Sud, Arles, 2007.
– Vertiges (1990), Actes Sud, Arles, 2001.
– Les Émigrants (1992), Actes Sud, Arles, 1999.
– Les Anneaux de Saturne (1995), Actes Sud, Arles,1999.
– Séjours à la campagne (1998), Actes Sud, Arles, 2005.
– De la destruction comme élément de l’histoire naturelle (1999), Actes Sud, Arles, 2004.
– Austerlitz (2001), Actes Sud, Arles, 2002.
– Campo santo (2003), Actes Sud, Arles, 2005.
Entretiens avec W. G. Sebald
– Lynne Sharon Schwartz & alii, L’Archéologie de la mémoire, Conversations avec W. G. Sebald, Actes Sud, Arles, 2009.
Ouvrages consacrés à W. G. Sebald
– Muriel Pic, W. G. Sebald – L’image papillon, suivi de W. G. Sebald : l’art de voler, Les presses du réel, L’espace littéraire, Dijon, 2009.
– Collectif, WGS, Face à Sebald, Inculte, Monographie, Paris, 2011.
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