« J’ai oublié comment je fus amené, il y a une quinzaine d’années, à rencontrer la figure gracile du comte malfaisant ; je choisis d’oublier aussi tous les livres lus et annotés au cours des années ; je laisse se perdre l’énergie, les espoirs, les possibles surgis au carrefour des lectures et des idées ; qu’un autre écrive les Rochesteriana du moment ou la pondéreuse biographie « scientifique » de la décennie ; je me contenterai de quelques lacunes, d’un découpage hasardeux et gratuit, de retracer les épisodes majeurs, une suite de dissonances, des réparties, des trouvailles lumineuses que me dit immédiatement le nom de Rochester avec ses tonalités de désespoir et de légèreté, son indifférence souveraine, ses arrogances et ses lâchetés, son goût de la dispersion et de l’oubli, sa fascination pour les corps, son amour du plaisir, son intelligence du réel, sa certitude du non-sens profond de l’existence et son souci en toutes choses de garder les distances. »
Patrick Mauriès,
Le méchant comte (1992)