Si l’on excepte ses Entretiens avec Charles Bertin (paru en 2012 aux bons soins de l’Académie royale de langue et de littérature françaises et des Éditions du Cri), il se trouve que pendant dix ans, Jacques Cels n’aura rien publié, ce dont personne ne s’est véritablement avisé. Symboliquement, Le dernier chemin aura donc été son dernier livre. Ce récit aura été son dernier roman. Il faut lire et relire ces trois phrases, une longue deux brèves, pour commencer à dénombrer les écritures qui s’y superposent, à l’instar d’un palimpseste. L’idéal y recoupe le spleen ; le clin d’oeil amical s’invagine dans le regard introspectif ; le mal y cherche son remède. Tout est désormais en place pour que nous reprenions ce volume plus conscients en sachant qu’il constitue un vertigineux testament.
« (…) ma façon d’écrire n’est pas la conséquence d’un parti pris d’ordre esthétique. Mon but n’est pas d’être en rupture ou en adéquation avec une mode. J’enfile à vrai dire des phrases entortillées pour n’avoir plus à regarder en face ma condition, un peu comme ces malades mentaux qui, pour oublier leur enfermement, se consacrent corps et âmes, pendant des mois ou des années, au recouvrement total d’une grande feuille de papier, dont le moindre centimètre carré de blanc doit disparaître sous un gigantesque dessin prodigieusement compliqué. C’est peut-être ainsi qu’ils projettent hors d’eux-mêmes leurs démons. C’est peut-être ainsi qu’ils évacuent millimètre par millimètre leurs noirceurs et qu’ils finissent par s’offrir l’illusion d’une simplicité retrouvée. »
Jacques Cels
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