Je ne suis jamais si près d’entendre le chant des Sirènes que lorsque j’écoute sans fin, médusé et jouissant, les vocalises de Marie Laforêt. Avec elle, s’est évanouie dans l’air subtil l’une des dernières déesses, peut-être la toute dernière Reine-Sorcière à avoir foulé de son pied léger, assuré et fou à la fois, notre planète. Je n’ai pas pleuré à la nouvelle de sa disparition ; pour dire le vrai, j’étais alors trop occupé de moi-même ; je me suis senti comme en faute. Un pourceau. Un pourceau sous le tect, aveugle et sourd, fautif de n’avoir jamais donné son attention à Circé. De sorte que voici deux mois qu’il n’est pas un jour sans que je m’efforce de poser des mots sur ce que la beauté surnaturelle et la fantaisie et la tristesse digne dissimulaient. J’y travaille encore ; je ne pense pas arrêter avant que le souffle à mon tour ne me quitte. Je ne m’explique pas pourquoi cet être et cette voix me touchent aussi profond. J’aimerais savoir. Peut-être alors commencerais-je à me connaître, ainsi qu’Ulysse à lui n’advient que grâce aux femmes. Errant parmi les asphodèles, j’éprouve combien le visage d’une païenne splendeur et l’âme catholique de Marie Laforêt me font défaut. Rien n’est plus déroutant que l’absence. Sans nymphe royale, quel sens aurait la terre?
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