L’autre jour, à la faveur d’un cours, j’ironise sur la journée sans voitures. La réaction n’a pas tardé : « De quel droit? Vous ne pouvez pas dire cela. Expliquez-nous pourquoi vous dites cela. » Et l’élève qui m’interpelle de me préciser par ailleurs que ses idoles sont Nicolas Bedos et Gaspard Proust. Les censeurs sont désormais devant nous. Nous devons nous perdre sans cesse en justifications si l’on use d’une certaine liberté de ton. Je suis dans une école, devant un professeur de littérature, j’ai payé mon minerval : qu’il me parle de littérature et qu’on s’en tienne à cela! Il faudra donc que je m’explique, substantiellement, avec l’espoir mince d’avoir entrouvert une porte sur le champ des possibles.
Plus aucune révolution n’est imaginable pour cette raison. Le jeu est un souvenir, l’humour une antiquité, la provocation intellectuelle une faute qui appelle sanction. Le fait de ne pas ronronner droit et à heure fixe : voilà le péché ! Je me rappelle, il y a deux ans, avoir dû expliquer à une élève que, commentant Ubu roi, je me sentais en droit d’aborder une critique des dispositifs politiques actuels.
Lire et transmettre le goût des livres, c’est aller au plus loin dans toutes les interrogations, même lorsqu’elles démangent, surtout lorsqu’elles font mal. Je nomme art tout affrontement, selon des règles choisies et méditées, du nihilisme protéiforme. (suite…)
Posts Tagged ‘indignation’
Posted in Mauvaises pensées, tagged 1789, 1917, indignation, journée sans voitures, middle class, nihilisme, Ubu roi on 29 septembre 2013| Leave a Comment »