Eloge du labyrinthe infini
Un portrait de Roger Caillois (1913-1978)
Proust affirmait tenir l’intelligence pour peu de chose. Il disait s’en méfier. Roger Caillois se méfia aussi. Toute sa vie. Mais pas de l’intelligence.
Actif dès l’adolescence auprès de Roger Gilbert-Lecomte et de René Daumal dans la mouvance du Grand Jeu, membre du groupe surréaliste mais bientôt réfractaire à son absence de rigueur et de discernement, Caillois fonde avec Bataille et Leiris le Collège de Sociologie peu avant la guerre. Passionné par les mythologies, l’éthologie, les jeux, les représentations et les formulations du sacré, il sera aussi le premier passeur de Borges en Europe.
Prosateur implacable et penseur protéiforme, il posera les fondements des sciences diagonales. Ne plus aborder une question sous un angle unique, mais dans la perspective d’approches multiples dialoguant entre elles. Une pieuvre, ainsi, peut être décryptée par la voie de la biologie ou du mythe, mais aussi par celle de la symbolique ou de l’imaginaire onirique, de l’anthropologie culturelle ou de la littérature. Caillois s’y attellera. Esprit inlassable de curiosité, l’auteur du Fleuve Alphée s’éteindra non sans avoir encore révélé un univers entier à scruter : celui de la splendeur taiseuse des pierres qui disent l’âpreté sereine du Temps dans un monde voué à la vitesse et au bruit.
Il n’est pas certain, en dépit des republications, que nous ayons cerné à ce jour la singularité féconde de cet écrivain farouche et labyrinthique.
Lectures par Antoine Motte dit Falisse
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