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Posts Tagged ‘langue’

« La parité n’est pas une question de vocabulaire. Je suis d’une génération où, en France, les femmes ont commencé à avoir accès à tout, au premier chef le droit de vote. Presque partout, j’ai été la première femme dans les institutions, non parce que j’étais un monstre, mais parce que les classes s’ouvraient. C’était sans doute intimidant, mais je me suis donné du mal et ai œuvré dans le bon sens. Je voudrais que, selon les occasions, il y ait des métiers avec beaucoup plus de femmes que d’hommes, et d’autres avec plus d’hommes que de femmes. Je ne suis nullement contre le féminisme, qui concerne plus directement des pays où l’ouverture ne s’est pas encore opérée. Or voilà qu’au moment même où, par une juste compétition, les femmes arrivent en France aux mêmes résultats que les hommes, on réintroduit une discrimination avec l’instauration de la parité. C’est cela qui me choque. Négative ou positive, je suis contre la discrimination.

Pour ce qui est de la langue, elle est chose vivante, certains usages s’y introduisent, sous contrôle de l’Académie française. Nous accueillons quantité de mots, mais on ne réforme pas une langue par décret gouvernemental, en affirmant qu’on ajoutera un «e», alors qu’il n’est pas conforme au féminin des mots. Il y a des règles habituelles d’évolution. Le féminin des mots en «eur» n’est jamais en «eure» autrement que par la brutalité. «Auteure», c’est horrible. «Ecrivain-écrivaine» n’est pas choquant, cela va seulement contre une tradition de plusieurs siècles, et il n’est pas difficile de dire une femme écrivain. On a malheureusement oublié que le français comprend les trois genres, masculin, féminin et neutre, le dernier étant sous la forme du masculin. Ainsi, l’ancien dictionnaire Larousse expliquait-il plaisamment : «Homme : terme générique qui embrasse la femme.» C’était suggestif. Et voilà que, pour désigner les hommes, on se croit désormais obligés de dire «les hommes et les femmes», ce qui n’a pas de sens. Je serais enchantée qu’on cesse de sexualiser la langue, surtout de façon ignorante, brutale et impérative. »

Jacqueline de Romilly

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Ô les infinies ramifications de la médiocrité! ô les anges aux ramures osseuses qui trompettent de façon ininterrompue le Faux.

Fuis les archontes, les licteurs, leurs agents et les sbires de leurs agents. Les chefs, les sous-chefs, les petits chefs, les kapos, les comptables, les pénalistes, les amants du pouvoir, les prostitués aux forces de l’argent, les négociants en bêtise…

Aucun échange n’est possible avec eux.

En dépit des apparences, rapides, ils ne parlent pas la même langue que toi. Leurs paroles ne résonnent que dans la Prison de Fer.

Ils ne parlent du reste jamais, même si leur voix, omniprésente, omnivore, vocifère dans les oreilles mortes l’ordre nouveau.

 

© Armes & bagages, à paraître, 2019.

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« La langue unique a disparu au profit d’une multitude de langues qui recouvrent les diverses branches de la spécialisation. Mais quand l’homme moyen ne travaille pas, quelle langue utilise-t-il ? Alors que dans son travail il adopte une langue grotesque, fort comique, mais parlée le plus sérieusement du monde, durant ses loisirs, il parle une langue mortellement triste dont il use sur le mode badin. Son langage quotidien est triste, parce qu’il n’est ni choisi ni hérité, mais ramassé çà et là, accepté par inadvertance et conformisme. Il se compose de termes «lancés» par les journaux, par les programmes de «variétés» ou les chansons du moment. En dehors des néologismes nécessaires aux réalités nouvelles, il se forme constamment de termes superflus. Leur seule utilité est de s’adapter parfaitement à l’esprit de «masse», c’est-à-dire d’être tout à la fois indéterminés et péremptoires. Ce sont tout juste des signaux, des flèches indicatives, des enveloppes sans contenu métaphorique. Il peut également s’agir de mots du langage traditionnel, mais employés de telle sorte qu’ils semblent vides de toute évocation sensible ou rationnelle, trahissant toujours une sorte de dévaluation du sentiment, de dégradation banalisante. »

 

Elémire Zolla

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