Pieter de Hooch, Intérieur avec un jeune couple (1663-65),
Metropolitan Museum, New York.
Il suffit d’écouter, car l’oeil écoute, oui, Claudel.
Tout le tremblé d’une seconde résonne, là. Pieter de Hooch est le théoricien génial de l’ailleurs-ici. Ses oreilles perçoivent des fréquences imprévues. Son pinceau les note. Le quotidien, ici, se recompose vie ailleurs. La parole est présente, mais elle ne circule pas forcément entre les êtres. Où rencontre-t-on des hommes et des femmes capables de converser, d’aimer, de bâtir? Je veux dire, de bâtir la fiction de l’échange, la fiction de la communauté?
Je ne sache pas de meilleur commentateur de l’oeuvre du peintre hollandais que l’écrivain belge Jacques Cels. Dans son roman Le dernier chemin (2006), un mystérieux captif s’interroge. Qu’en est-il de la clôture et de l’ouverture? De l’intérieur et de l’extérieur? Nos vies ne seraient-elles pas que dialogue constant entre ces deux principes?
Il y a une intensité décelable, hospitalière, accueillante, au-delà du glacis recouvrant le jour après jour. Le temps qui passe, le temps qui fuit, le temps qui tourne à vide, n’est pas le Temps.
« Le maître a bien compris que la vie répugne à la mise au tombeau prématurée. Pour lui, toute peinture doit s’offrir comme une structure ouverte. Elle ne doit pas se protéger du dehors. Il faut qu’elle absorbe en elle, et de partout. Pour l’apprivoiser, peut-être, mais surtout pour se montrer capable de résorber l’infini dans le fini. Et parvenir, au bout du compte, à la réalisation d’une prouesse éblouissante : mettre l’incommensurable à la portée de l’humain. » (op. cit., p.74)
De façon soutenue, compulsive peut-être, les toiles de Pieter de Hooch spéculent, pensent, proposent.
Rares sont les espaces qu’il peint qui se signalent par l’absence d’un animal de compagnie. Un perroquet trouble parfois le silence par son éloquence. Souvent, les chiens reniflent et indiquent, même s’ils semblent immobiles. Leur odorat est exceptionnel.
Que savons-nous du réel olfactif?
Que savons-nous du réel?
Peut-être est-il temps de réinventer un cynisme dynamique. Les phéromones sont invisibles ; il y a bien plus qu’un seul monde. Nul n’est contraint de demeurer le prisonnier des apparences étriquées.
Pieter de Hooch, Mère épouillant son enfant (1658-60), détail,
Rijksmuseum, Amsterdam.
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