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Posts Tagged ‘Alceste’

 – Port-Royal, une anthologie présentée par Laurence Plazenet, Flammarion, Collection Mille & une pages, Paris, 2012.

Il est plusieurs histoires des littératures, comme il existe diverses formes de résistances. Je ne connais pas haine plus violente que celle qu’exerça le Soleil sur les Solitaires de Port-Royal. Sur le lieu autant qu’envers les êtres. Que, sur ordre du Roi, les os des défunts fussent abandonnés aux chiens, après avoir été sauvagement déterrés, afin que rien n’indique où venir se souvenir de ce que furent les Solitaires, laisse à songer sur la terreur qu’ils inspirèrent au plus autarcique des monarques. C’était l’hiver 1710-1711. Le froid était intense. Nous ne lisons pas les Jansénistes, nous oublions ce que nous leur devons, peut-être au-delà du Grand Siècle. (suite…)

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Une mise en scène de Ivo Van Hove, Théâtre de l’Odéon, Paris, 2012.

Nous nous trompons sur Molière et la plus complexe de ses pièces. Heureusement, il est des metteurs en scène susceptibles de nous le transmettre intact, dans sa virulente modernité. La scène se déroule dans un loft berlinois. Les alexandrins de Molière, désintégrés, ont fait place à une adaptation en prose allemande. Le spectacle est surtitré. Paris s’extasie. A-on-seulement le droit de s’interroger quand la critique est à ce point unanime? 

« Car on est ici et aujourd’hui, totalement, avec cette mise en scène qui n’hésite pas à intégrer l’iPad (sur lequel est écrit le sonnet) ni les téléphones portables, omniprésents. Chacun a le sien, dans cette société de trentenaires sans attaches, sinon la communauté qu’ils ont décidé de former, et dans laquelle Alceste joue le rôle d’extrémiste du refus du savoir-vivre. Il faut le voir se jeter sur la table basse recouverte de junk food, s’asperger le visage de Nutella, s’enfiler moult saucisses dans l’anus et « pisser » de la sauce salade. Ce n’est pas seulement trash : c’est quasiment kamikaze, comme son obsession de Célimène, dont il n’arrive pas à se détacher. Il l’a « dans les neurones », en somme, cette jeune femme qui offre son corps affolant à qui en veut. »

Source : Brigitte Salino, Le Monde, 29 mars 2012, http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/03/29/un-moliere-formidablement-trash_1677660_3246.html.

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« Je refuse d’un cœur la vaste complaisance,

Qui ne fait de mérite aucune différence :

Je veux qu’on me distingue, et pour le trancher net,

L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait »

Molière, Le Misanthrope, I, 1.

 

Je hante sans un sou, à deux doigts de la grivèlerie, les salons du plus mythique des hôtels bruxellois. Je mets la dernière main à quelques idées engrangées au fil des années en une liasse de papiers plusieurs fois annotés. Dans un moment, il me faudra parler d’Alceste à l’occasion d’un débat qui n’en sera pas un. La salle sera bien vide. Les propos seront entassés sans ordre ni rigueur, même si, en trop peu de temps (toujours le même drame !), une approche complexe, nuancée, nécessitant digressions, sera hasardée.

 

Le Misanthrope est la pièce la plus difficile de Molière. Peut-être même l’est-elle de tout le répertoire. Elle ne raconte rien, sinon de façon allusive. Son intrigue, lacunaire, ne s’esquisse que sur un fond bien vague. Là ne sont pas les enjeux. Sur scène, l’on ne voit guère que trois personnages, trois figures : Alceste, Philinte et Célimène. Il y a le guerrier, le béni-oui-oui, à tous complaisant, et la beauté fallacieuse qui est aussi jeunesse terrifiée à l’idée de la mort.

Qui est Molière en 1666? Où en est celui qui a écrit et joué Le Tartuffe et Dom Juan dans les conditions que l’on connaît ?

Au XVIIème siècle, il faut entendre, surtout lorsqu’il s’agit d’une comédie, le terme de misanthrope comme sonnerait aujourd’hui l’expression frappadingue. Dans une société hyper-policée et hyper-codifiée, qui refuse les usages en cours dans salons les plus civilisés d’Europe ne peut être qu’un pauvre fou. Parenté de l’homme aux rubans verts avec Alonso Quijana, dont il est hautement improbable que Molière n’ait pas entendu parler des exploits singuliers, s’il ne les a pas, tout bonnement, lus. Le titre se doit d’être un programme racoleur. On sait aussi que Molière, qui interpréta Alceste à la façon d’un De Funès, forçait les tics, traits et grimaces « de circonstance ». On sait que sa voix jouait de façon très appuyée sur les crispations du personnage.

Cheval de Troie?

Telle est mon hypothèse. Je ne fais dans les pages qui suivent que spéculer, mais non sans proposer du grain à moudre, je crois.

On donne à un premier degré ce que le public attend. Il comprend ce qu’il croit que raconte la pièce et  s’amuse de la caricature d’un malade ensauvagé, de quelqu’un que Baudelaire, son frère, dans l’un de ses plus beaux sonnets, nommera « un extravagant ». Le public sort ravi ; il s’est tapé sur les cuisses. « Qu’est-ce qu’il lui a mis, à Alceste, le Poquelin! »

Mais alors pourquoi ce nom et la tension si vive qu’il oppose à celui de Philinte? (suite…)

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« Alceste, un indigné d’aujourd’hui? »

Fauteuil de Molière à la Comédie française

Il est aisé de faire parler un fauteuil vide, fût-il le plus célèbre du monde. On peut lui prêter des idées ou faire de lui le porte-parole de certaines valeurs, de préférence au goût du jour. Mais rien n’est moins périlleux, ni moins discutable. Alceste hante les consciences, et cela ne date pas d’hier. Molière n’est jamais tout à fait là où l’on croit le tenir. L’amant déçu de Célimène, moins encore.

Il faut dès lors être reconnaissant à Daniel Scahaise, qui met en ce moment en scène à Bruxelles Le Misanthrope, d’ouvrir le débat sur la modernité de la figure d’Alceste. Celui-ci aura lieu au Théâtre des Martyrs même ce samedi 19 octobre à 15h. L’entrée en est libre et la représentation du spectacle qui la suivra, à 19h, est gracieusement offerte aux étudiants qui auront assisté au débat.

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