Ni le silence ni la parole
Un portrait de Louis-René des Forêts
Portrait de Louis-René des Forêts,
par Balthus
Nous voilà plus de dix ans après sa disparition, et, pour la plupart d’entre nous, son nom même est parfaitement inconnu.
Pourquoi ?
Comment se fait-il que cet écrivain, qui a traversé le XXème siècle et produit l’une de ses œuvres les plus exigeantes, les plus décisives, demeure dans un tel retrait ?
Salué par les plus grands critiques (Maurice Blanchot), ami des écrivains les plus déterminants (Georges Bataille), maître à écrire, à penser et à vivre de quelques-unes des voix les plus marquantes de la littérature contemporaine (Pascal Quignard, Yannick Haenel), voilà un nom qui ne nous dit rien.
À l’exception peut-être, de plus en plus rarement, du titre d’un récit qui, dès sa publication en 1946, apparaît comme un des grands carrefours où il advient que la littérature ait, intégralement, à se repenser, forme aussi bien qu’enjeux. Ce livre, étrange, c’est Le Bavard. Abondamment commenté, au moins depuis les textes célèbres de Maurice Blanchot et d’Yves Bonnefoy, Le Bavard est un récit qui fascine, déroute, sidère, agace, offre prise pour soudain se dérober. Bref, un vrai livre – qui mérite que l’on se mesure à lui, pour au moins en prendre la mesure, avant de le repousser ou de le vénérer…
Mais une œuvre n’est pas qu’un livre, constituerait-il une date, d’importance, dans l’histoire des lettres, car il y a aussi, bien sûr, les récits déroutants de La Chambre des enfants, et les poèmes des Mégères de la mer, mais encore et surtout, il y a Ostinato : le dernier chant, le plus intense et plus troublant, juste jusqu’à la déchirure, aimant la vie et défiant les illusions jusqu’au dernier souffle.
Dans la littérature française du siècle dernier, il est probable que nul auteur n’ait fasciné autant que Louis-René des Forêts. Plutôt que d’attendre une quelconque commémoration, fatalement décevante puisque fatalement superficielle, peut-être est-il d’ores et déjà plus qu’urgent pour nous de lever un coin du voile sur le plus discret et le plus silencieux des écrivains de notre temps.
Choix bibliographique
Ouvrages de Louis-René des Forêts
– Les Mendiants, L’Imaginaire, Gallimard, Paris, 1995.
– Le Bavard, L’Imaginaire, Gallimard, Paris, 1978.
– La Chambre des enfants, L’Imaginaire, Gallimard, Paris, 1983.
– Les Mégères de la mer, Mercure de France, Paris, 1967, rééd. (suivi par Poèmes de Samuel Wood), Poésie / Gallimard, 2008.
– Un malade en forêt, Fata Morgana, Montpellier, 1985.
– Voies et détours de la fiction, Fata Morgana, Montpellier, 1985.
– Le malheur au Lido, Fata Morgana, Montpellier, 1987
– Poèmes de Samuel Wood, Fata Morgana, Montpellier, 1988.
– Face à l’immémorable, Fata Morgana, Montpellier, 1993.
– Ostinato, Mercure de France, Paris, 1997, rééd. L’Imaginaire, Gallimard, Paris, 2000.
– Pas à pas jusqu’au dernier, Mercure de France, Paris, 2001, rééd. L’Imaginaire, Gallimard, Paris, 2001.
– … ainsi qu’il en va d’un cahier de brouillon plein de ratures et d’ajouts…, William Blake & co., Bordeaux, 2002.
Ouvrages & témoignages consacrés à Louis-René des Forêts
– Maurice Blanchot, La parole vaine, in L’Amitié, Gallimard, Paris, 1971, pp.137-149.
– Maurice Blanchot, Une voix venue d’ailleurs (Sur les poèmes de Louis-René des Forêts), Ulysse, Fin de Siècle, Éditions Virgile, 2001.
– Edmond Jabès, L.-R. des Forêts ou le malaise de la question, in Le Livre des marges, Livre de Poche, Biblio, Paris, 1987, pp.202-208.
– Yves Bonnefoy, Une écriture de notre temps, in La vérité de parole, Mercure de France, 1988, pp.115-259.
– Collectif (sous la direction de Jean-Benoît Puech et Dominique Rabaté), Louis-René des Forêts, Le Temps qu’il fait / Cahier Six – Sept, Paris, 1991.
– Collectif, Louis-René des Forêts, numéro d’hommage de la revue Critique, n°668-669, Janvier-Février 2003, Éditions de Minuit, Paris, 2003.
– Marc Comina, Louis-René des Forêts, L’impossible silence, Champ Vallon, Seyssel, 1993.
– Yannick Haenel, Évoluer parmi les avalanches (roman), L’Infini, Gallimard, 2001, pp.107-111.
– Jean-Benoît Puech, Louis-René des Forêts, roman, Farrago, Tours, 2000.
– Pascal Quignard, Le vœu de silence, Fata Morgana, Montpellier, 1985.
– Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts, La voix et le volume, José Corti, Les Essais, Paris, 2002.
– Jean Roudaut, Louis-René des Forêts, Les Contemporains, Seuil, Paris, 1995.
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