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Posts Tagged ‘Vide’

Le monde est une étrange chose, oui, Molière. La crédulité tend la main au mensonge ; ils forniquent, et voici la pressante et pressée opinion qui paraît. Merci de ton secours pour clarifier l’épaisseur des nuées, Valéry.

Les plafonds s’effondrent et me laissent en vie. Le vide anime ma marionnette. Nous allons, elle et moi, en haillons, en aveugles, sur la terre gaste.

Le ciel, de longtemps dévoyé, s’étrécit.

Il n’éclaire plus ni la chasse ni les guerres.

Les terres de maléfice se multiplient. Les grandes plaines sont profanées.

Notre pied le plus valide – merci, ô Oedipe, pour tes leçons, d’où coule encore du sang – ne peut hésiter nonobstant les dangers. Dehors, la nuit est indécise. Dehors la nuit est mauvaise pour les paucitaires.

Et pourtant.

Et pourtant.

À qui s’en remettre, fors Orion?

Je ne m’adresse qu’aux aguerris.

© Christophe Van Rossom, Armes & bagages, à paraître, 2021.

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Depuis quelque temps, jusqu’à un moment avancé dans l’automne, il me semble apercevoir des mouchettes partout où je m’installe. Je suis couché : elles gênent ma lecture. Tandis que je suis à table, à boire un verre, à écrire, à manger, deux ou trois de ces gêneuses ne manquent jamais à l’appel. Stigmates d’une météorologie qui s’affole, ou hiéroglyphes d’un arrêt à venir.

À l’image, oui, d’un préambule aux mouches vertes et bleues qui, venu l’hiver, vrombiront au-dessus de ma dépouille – goguenarde, chantante, bavarde. Et tombent les grêlons, sur la tête des goules, des spectres et des liches, venus davantage pour s’assurer que tout est bien consommé et que la bête ne nuira plus, que pour la pleurer,  la regretter et offrir au trou béant une rose trempée dans du vin. – Pour l’occasion, un grand Amarone, disons, par un ami aux amis rares proposé. (suite…)

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Traversée d’énergies noires, terrifiée par la nouvelle donne géopolitique mondiale, empoissée par la bêtise unanime, rayonnante, bien-pensante, la tête refuse ; je garde le contrôle. Le visage public se doit de demeurer de cire. Nulle part, hors au sein de la Sphère, nous ne sommes plus libres de parler libre. La sclérose s’installe, ramifie et se calcifie. Elle empêche de marcher à grands pas. C’est comme si nos semelles s’embourbaient toujours davantage dans une glu sans nom, sans appel, sans échappatoire, où indéfiniment pourrit la jambe de Rimbaud, sans que quiconque ne s’en avise.

À mille encablures de là, tellement loin de ça, le cerveau s’évade, s’estrange – mais se met à tourner à une fréquence presque intolérable. Plaie ouverte, je ne parviens plus à suivre cet emballement déchirant. L’écran que je trace entre le monde et moi est une vitesse, divine mais panique. Il n’est pas exclu que j’offre un jour ma raison aux devas. Je le ressens puissamment aujourd’hui. Cette presque certitude a quelque chose de stupéfiant. Je la pose pourtant là, sous mes yeux, telle une énigme à méditer, sans frémir.

J’entends la plainte polaire de l’esprit du froid que soutient seule la musique implacable de Purcell. Armure de glace moi-même, vide, ayant déjà largement quitté le monde et rejoint le Vide, je tutoie le moment de mon dernier souffle, soucieux d’avoir déposé plusieurs semis dans les sillons d’une terre redevenue gaste, espérant avoir armé quelques résistants de demain.

 

© Christophe Van Rossom, Armes & bagages, à paraître, 2019.

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