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Posts Tagged ‘parole’

Musique au débotté faite homme, Roger Carel s’en est allé rejoindre les anges du baroque joyeux en sifflant ; à l’instar du personnage de Noiret dans Les Gaspards, Vivaldi l’accueille triomphalement. Il n’est pas le seul. Nombre de points de la Sphère s’alignent sur cet événement. Les Grands Enfants se sont rejoints. Notre enfance fascinée est blessée ; notre adolescence est meurtrie. Nous sommes orphelins d’un théâtre généreux où, avec grâce et largesse, l’échange jouait avec une écoute précise du jeu et de la parole de l’autre. À l’improviste, au besoin. Nulle proposition contemporaine ne remplace ce qui s’est ainsi perdu. Le Paradis va gagner en charme, en éloquence, en vitesse, en surprise. – C’est nous qui demeurons sans voix. En un monde où l’humour devient vestige.

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Le destin de toute bulle, si belle soit-elle, est d’éclater. Ô la liberté de l’air, rare bien encore commun à tous!

Le nom secret du Paradis est : le lieu merveilleux dont on est chassé. Homme signifie expulsé. Nous allons sans rien savoir que cette fatalité. Mais nous ne parlons pas sans pouvoir déjouer la laideur et la bassesse, et il n’est qu’un peu d’audace nécessaire pour parler haut dans l’agora, où les femmes sont belles et le parfum des fruits enivrant.

Ainsi songeait confusément le jeune Épiphane, fils de Carpocrate, un rouleau à la main, le jour inaugurant sa seizième année, cependant qu’il examinait avec intensité les eaux qui s’étendaient, multicolores, sous son regard.

 

© Christophe Van Rossom, Armes & bagages, à paraître, 2020.

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« Nos lèvres sont politiques »

Éric Brogniet

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« Le Je de notre présence au monde va-t-il être étouffé par un moi qui n’est qu’une construction du concept, et en cela de l’irréel, rien qu’une image, une autre sorte de mort ? L’histoire de Balin suggère que la vraie quête n’est pas celle d’un bien surnaturel mais, opiniâtrement, d’un peu de lucidité dans le rapport de l’être parlant à soi-même. »

Yves Bonnefoy,

Le Graal sans la légende (2013)

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Nous ne sommes même plus des nains juchés sur les épaules de géants.

Sans moyen effectif pour nous y opposer, infantilisés en permanence, nous assistons à la chute de l’humanisme – un vocable dont très peu savent encore, l’étymologie agonisant elle-même, la signification véritable. À la substitution de ses idées par des valeurs démonétisées. Au renversement et à l’inversion de ce que les antiquaires de la Renaissance et leurs héritiers ont exhumé pour nous proposer de quitter la dépendance.
Les contemporains parlent une langue qui va se zombifiant. Les sons qu’ils articulent ou ahanent se sont mués en coquilles vides. La Parole est rare. Seuls les Rares parlent encore, lorsqu’ils ne sont pas jetés dans les remblais.
Le projet était simple cependant, et Sorel l’avait formulé de la plus limpide des façons : les dieux étant absents, nous pouvions travailler à devenir divins. L’Olympe qui était à notre portée, est aujourd’hui en ruines. Elles murmurent encore. Les citations sont les degrés des escaliers qui y mènent.

Citer à propos, c’est sauver quelques instants de notre vie de l’ubuesque Bêtise ubiquitaire.

© Christophe Van Rossom, Armes & bagages, à paraître.

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« La tâche la plus urgente, à notre époque, la tâche humaine par excellence, c’est de donner aux autres par la parole la confiance en eux-mêmes qu’ils n’ont pas, ou n’ont plus. Mais j’irai plus loin : il s’agit aussi, dans maintes circonstances, de mettre en confiance leurs mauvaises pensées. Car souvent, les mauvaises pensées ne sont pas aussi mauvaises que la morale voudrait nous le faire croire. Surtout chez les jeunes, dont les instincts sont révélés par l’image plus que par le texte, et se heurtent à des discours coupés de la vie. Ces mauvaises pensées s’enveniment à force d’être intransmissibles, dans un monde où le langage se referme sur ses clichés, ses présupposés, son catalogue de remèdes abstraits à la crise de l’esprit, alors que cette crise est inséparable de celle du corps. Elles manquent des mots qui les associeraient à la construction de la personnalité, à l’expansion de l’être. Ce sont des foyers d’âpre vérité, mais brûlant en vase clos, sans issue vers une parole capable de les exacerber en révolte, au lieu de les confiner en enfer. Leur inintelligibilité s’accroît de leur claustrophobie. Ne pouvant s’exprimer en passions légitimes, elles couvent des violences absurdes. Elles ne demandent pas à être innocentées, ces mauvaises pensées, elles demandent à être comprises. Comprises, leur chance de créer sera plus grande que leur risque de détruire. Les mettre en confiance, c’est leur apprendre qu’elles ne sont plus seules, sachant que c’est la solitude qui fait la virulence et dégénère en infection. Dans un tel contexte, le langage de l’amour se montre quasi impuissant. Surtout celui qui nous vient tout droit de l’amour abstrait de l’humanité. »

 

Marcel Moreau,

Morale des épicentres (2004)

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