« L’art de la civilisation consiste à allier les plaisirs les plus délicats à la présence constante du danger. »
Stendhal*
Posted in Arsenal, tagged art, émerveillement, Bruce Chatwin, civilisation, danger, délicatesse, Ernst Jünger, Henri Beyle, lettré, plaisirs, Stendhal, Sylvain Tesson on 23 mai 2020| Leave a Comment »
« L’art de la civilisation consiste à allier les plaisirs les plus délicats à la présence constante du danger. »
Stendhal*
Posted in Macles, Mauvaises pensées, tagged Abdère, absence, absurdité, adulescence, ambition, angustia, apathie, Armes & bagages, éparpillement, Baudelaire, Bêtise, bruit, brutalité, civilisation, compromis, compulsion, confraternité, conscience, continent où la folie rôde, délire fasciste, Démocrite, déréalisation, désolidarisation, destruction, douleur, effondrement, Fable, fatigue, faux-semblants, folie, grossièreté, Hippocrate, illusion, imposture, imprécation, inversion généralisée des valeurs, isolé, La Fontaine, lâcheté, lecture, lettré, liberté, monde perdu, Montaigne, mort, musique, néolithique, Nietzsche, non, pacte, Paradis, parasites, peinture, peur, portes, raison, reproduction, sauvagerie, séparation, sexualité, Société, sordidité, soumission, sournoiserie, terre gaste, tyrannie, vertige du vide, vice, vieux homme, vulgarité on 14 novembre 2019| Leave a Comment »
D’un côté, la Folie siffle, la Mort sifflote de l’autre.
S’éloigner de ce monde flasque dont la protéiforme et rhizomateuse veulerie rend malade. Oublier quelques heures ce monde vulgaire, obsédé, brutal, implacable, redevenu sauvagement néolithique.
Quelles portes ma lâcheté me laisse-t-elle? Y en a-t-il? Oui, je le crois.
Je lis ; je m’efforce de laisser de la place à la musique pour m’irriguer tout entier ; je contemple des tableaux. Je ferme les yeux, me donnant pour tâche d’aller là où je deviens inaccessible. Je songe au Paradis, je le caresse du bout des doigts.
Mais force est de constater que j’achève mon existence dans un monde perdu. Lettré, je me trouve sans plus personne à qui parler. J’ai des questions, peut-être l’une ou l’autre réponse, mais où trouver un interlocuteur véritable, ô Montaigne et vous, Charles Baudelaire, sous le signe douloureux de qui je vis et ressens de plus en plus?
Terre gaste, armures vides. Sordides intérêts ; parasites ; adulescence ; trottinettes. Parcs grillagés et fêtes frauduleuses qui offrent aux humains l’illusion de la gaieté, de la confraternité et des libertés supposément conquises. Je les vois se réjouir, vite, de crainte que la peur et le vertige du vide ne reviennent les envahir. Cela les tient-il chauds dans le néant glacé de ce monde? Oublient-ils la fatigue de leur corps et l’absence qui leur tient lieu de visage lorsque je les croise dans le métro?
– Je ne puis plus les comprendre : comment ne voient-ils pas les évidences noires?
Fenêtres qui ne s’ouvrent plus. Établissements dont les escaliers s’écroulent. Institutions insensées qui tètent nos heures libres ainsi qu’atroces et insatiables nourrissons. Absurdité labyrinthique des règlements, obscurité des priorités. Grossièreté généralisée, parfois devenue inconsciente. Démon de la reproduction irréfléchie. Compromis ineptes et pactes nauséabonds.
Effondrement. (suite…)
Posted in Macles, tagged Armes & bagages, civilisation, clairvoyance, colère, déconsidération, dieux, divin, folie, fréquences, grégarisme, Hölderlin, indépendance, narcissisme, petitesse, révolte, refus, René Char, sécession, vibration on 17 octobre 2018| Leave a Comment »
Misère de fin de civilisation! Toute forme de contradiction : perçue comme rupture, agression, sécession violente. Refuse-t-on l’assentiment béat, le ronronnement grégaire, et l’on devient l’ennemi. L’homme à discréditer, à humilier, sinon à abattre. Déconsidération des étoiles.
Il y eut, il y a encore, pourtant, des hommes qui marchent et qui parlent. D’immenses miroirs nous les voilent. Leur voix ne traverse plus l’opacité des écrans. Leurs mots sont démonétisés, déformés, martelés afin qu’ils nous deviennent indéchiffrables. Cependant que ces vocables convoquent le divin, la conjuration de gnomes difformes, stupides, et narcissiques se démultiplie, prolifère partout et impose sa loi. Au silence majeur, du bruit est opposé.
Je cherche à m’exprimer, comme à être (c’est-à-dire vibrer), sur d’autres fréquences, que mon écriture cherche. Cherchera jusqu’au bout.
Nous ne cessons de nous irriter avec ostentation pour de misérables motifs, de nous agiter médiatiquement pour des causes spécieuses, mais nous demeurons tristement muets quand il y aurait lieu de laisser éclater sa colère. De ces salubres colères, de ces magnifiques refus qui sauvent les hommes au fil des jours non moins qu’ils les sauvèrent au cours des siècles. – Aujourd’hui, Un hamster galopant sur sa roue témoigne de plus d’indépendance que nous.
La révolte oubliée, toute clairvoyance feue, les hommes ont perdu leur boussole.
Les dieux méprisent la petitesse. Leur retour n’est pas pour demain. Folie de Hölderlin.
Les larmes retournées de René Char sont un pain qui durcit chaque jour.
Qui désormais pour le rompre et le partager?
Qui pour l’empêcher de rancir?
© Christophe Van Rossom, Armes & bagages, à paraître.
Posted in Macles, tagged Évangile, égalitarisme, civilisation, consommation, contamination, démocratisme, désir, Georges Romero, humanité, imagination, intelligence, nuance, zombification on 15 décembre 2017| Leave a Comment »
Ni le repos, ni la conscience. Ni la vie, ni la mort. Seulement une apparence. La femme, l’ami, l’enfant ne sont plus la femme, l’ami, l’enfant. Ne sont plus femme, ni homme, ni enfant. La contamination menace à chaque instant. Il est improbable que l’on puisse longtemps y échapper. La vie n’est qu’une question de secondes. La pensée, les valeurs vacillent, chutent, agonisent. Il n’y a pas de survivants. Le chacun pour soi – cette guêpe première – domine. Son exercice sauve, pour un temps. Toute humanité fond. En quelques jours, quelques semaines, quelques mois tout au plus. Je suis, encore un peu, parce que tu n’es plus là.
On évolue sans raison en attendant de pouvoir ingérer ce qui semble pouvoir l’être. Que sommes-nous, derrière le voile de la civilisation? Une fois, qu’il s’est déchiré ?
De la viande qui marche. Une souffrance qui s’efforce de demeurer éveillée, qui cherche à esquiver l’inévitable métamorphose. L’on trimbale son barda. Armes & bagages. Pour s’efforcer de vivre au-delà du survivre – ô le luxe des batailles, jamais victoires, remportées. Ô l’abjecte géométrie de l’inégalité : la masse contre les seuls.
La zombification, c’est le démocratisme, l’égalitarisme, généralisés. Plus aucun désir singulier, mais une unique préoccupation : dévorer de la chair vivante. La foule, toujours partout, lente et stupide, animée d’une unique pulsion. Force de destruction sans limite, insensée. Du bruit, là : et c’est vers cet endroit que l’on se dirige. Une galerie marchande : l’unique église néante pour une humanité morte.
Ne voit-on pas ce qui se révèle dans ce miroir où ne se lit que pure pulsion de consommation ? Où plus aucun visage ne signale intelligence, nuance, imagination ou désir?
© Christophe Van Rossom, Armes & bagages, à paraître.
Cinq ans déjà sans Jacques Cels…
Posted in Alliés substantiels, Au fil des jours, tagged adolescent, analyser, Aulu-Gelle, écrire, équanimité, beauté, biologie, censure, chemin, civilisation, clarifier, commenter, cosmos, désastre, dignité, enfant, formuler, Histoire, homme, humanisme, humanitas, idéalisme, Jacques Cels, jouissance, justesse, Justice, Le dernier chemin, Les Îles secrètes, lire, mise en perspective, Montaigne, nature véritable, négationnisme, Orwell, pensées, phare, pouvoir, racisme, rare, réel, révisionnisme, Renaissance, rien, Savoir, Sénèque, tout, transmettre, voix on 28 février 2022| Leave a Comment »
Tout le prédisposait à devenir un rare. Comme Michel de Montaigne, sa figure tutélaire par excellence, Jacques eut le privilège de naître un 29 février, de sorte que, quoi que l’on fît, il était quatre fois plus jeune que nous. Importance de l’enfant, puis de l’adolescent, qui médite et se construit très tôt dans son oeuvre. En témoigne la première nouvelle des Îles secrètes, subtil ensemble, remarquablement architecturé autour d’un phare, et qui esquisse des destins, des décisions qui orientent le tout de nos vies, à chaque âge de cette vie. J’invite d’ailleurs les vrais amis de Jacques, les fins lecteurs, à lire à voix haute, en parfait écho à la première nouvelle, le récit qui clôt le volume, lequel se construit par vagues et petits châteaux de sable, sans cesse élevés, sans cesse détruits, sans cesse recommencés, sans cesse affinés, pour en arriver, dans ce tuilage de phrases ivres mais absolument lucides, presque infini, à transmettre peut-être ce qui constitue l’essentiel d’une vie. Je doute qu’ils y parviennent sans que des larmes leur montent aux yeux ou au coeur. Nous avons du mal à enregistrer les héritages lorsqu’ils ne sont précédés d’aucun testament.
Formuler, c’est clarifier. Se formuler (c’est-à-dire comme Montaigne, essayer d’y parvenir), c’est se placer à suffisante distance pour que, du sujet que l’on est, nous nous transformions peu à peu en un objet – quant à lui scrutable, explorable, questionnable.
Jacques n’a cessé de lire. Soit, aussi bien, d’écrire. L’un étant l’avers de l’autre. Travaillant sur une oeuvre littéraire, la présentant en classe, il s’interrogeait sur lui-même. Derrière les masques dont joue le romancier ou le dramaturge, le créateur façonne des voix et des façons d’être ou de penser, toutes disparates, semble-t-il, mais qui nous offrent cependant l’opportunité de chercher la voix propre de l’oeuvre, la voix de l’écrivain. Double postulation du lettré qui manie aussi la plume.
La voix, le chemin. Jusqu’au dernier. – Comprenne qui pourra.
Jacques aimait les jardins, la lumière des saisons, l’encre bleue, la pensée claire. Quatre cents ans après Montaigne, il prisait comme lui les livres de Sénèque, car cet idéaliste (au sens néo-platonicien du terme) s’efforçait aussi, notamment en l’enseignant, à élaborer, pour lui-même, une citadelle intérieure, digne de l’édifice mental projeté par Marc Aurèle. Équanimité impossible, mais fiévreusement désirée ; sens aigu de la gratitude envers les maîtres ; méditation sur l’homme au sein du cosmos ; du tout que l’empereur paraissait être et du rien si promptement voué à l’oubli qu’il était mêmement. Que faire du pouvoir? L’exercer avec justice. Justice du jugement, justesse de sa formulation. Que faire du savoir? En rendre le clair accès au plus grand nombre, si on en a la possibilité, ne jamais le brader, et a minima toujours s’efforcer de le transmettre autour de soi, en prouvant que celui qui sait va toujours en jouissant mieux de la beauté et, cependant qu’à défaut de les conjurer, il est en mesure de nommer précisément les désastres, parce que, très profondément, il les a mis en perspective, non moins qu’il en a vécu, et à ce titre, se trouve en situation de les analyser et de les commenter. Avec justice et justesse.
L’air du temps n’est plus à l’humanisme véritable, et encore moins à l’humanitas, dont Aulu-Gelle déjà se faisait loi de redéfinir le sens chaque fois que nécessaire. Il s’agit même, pour tout dire, de détruire, d’abolir, d’annuler. Et d’aller évidemment à ces racines du mal que furent l’art, les pensées, les livres et l’art de vivre des Grecs et des Romains. Qu’il s’agit de travestir afin de les écarter aussitôt que possible! Oui, quelle horreur que ce passé nauséabond et criminel dont il y a lieu de se repentir, alors que l’immédiat de la révolte qui met à bat les statues, censure à tours de bras, nie la biologie, se vautre dans le révisionnisme de l’Histoire autant que dans la négation du réel, non sans réinventer le racisme, en passant, est si bon et si juste! Ah! qu’il est doux, « éternel présent » (Orwell), de valser avec vous!
Je suis heureux que Jacques n’ait pas connu notre époque qui signe l’acte de décès de la civilisation, évacuant le meilleur de ce que les Rares nous ont offert en même temps que le pire dont les hommes furent et sont toujours capables, surtout lorsqu’ils se sentent investis par une mission, l’esprit tout ébouillanté par quelques slogans faciles et d’autant plus pernicieux.
Ne sachant plus écrire, je lis et relis avec un bonheur réel le « Vers Soi-Même » de Marc Aurèle, ouvrant volontiers le volume au Livre VII, qui dessine l’aire de ce qu’est le Mal, aux yeux du philosophe rhéteur, et conséquemment l’espace que revêt ce qu’il estime être le Bien. Je m’éduque, je me rééduque à vivre. J’y travaille sans relâche, et cela, d’autant plus que le plus ancien parmi mes grands maîtres m’a enseigné cette exigence, laquelle sculpte ce que quelques-uns savent encore être la Dignité. J’avais quatorze ans, puis bientôt quinze. Nonobstant, j’ai très vite pris conscience que cet homme allait bouleverser tous mes projets, exercer mon regard critique, et, faisant en sorte que j’épouse ma nature véritable, me diriger sur les chemins qui m’apprendraient moi-même à devenir homme et professeur.
Tout fascine dans le Livre VII des Pensées. Le Lisant, relisant le volume entier, c’est souvent comme si la voix de Jacques me parle.
« Fais ton examen intérieur. C’est à l’intérieur qu’est la source du bien, toujours capable de jaillir, à condition qu’on creuse toujours. » (59)
Ceux qui me connaissent un peu, ceux qui connaissaient Jacques, ne s’étonneront pas que je prise tout particulièrement celle-ci, qui constitue aussi ma réponse à la Destruction en cours.
« C’est le fait d’un caractère accompli de passer chaque jour comme si c’était le dernier, sans s’énerver, sans s’endormir, sans affectation théâtrale. » (69)
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